Karina Soucy dans le Bas-Saint-Laurent, pour le balado de Visages régionaux
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Ruralité, mythes et préjugés avec Karina Soucy

Dans le cadre de ses études au doctorat en sociologie, Karina Soucy s’est intéressée à l’identité des femmes en milieu rural. Au fil de ses recherches et de son enquête sur le terrain, elle constate qu’en ce qui a trait au mode de vie en région, plusieurs mythes et préjugés persistent dans l’imaginaire collectif.

Le mythe rural

Pour mettre la table (pas champêtre là, non non!), Karina souligne d’abord qu’il existe une idée préconçue, une représentation de la vie en ruralité, qu’elle appelle le « mythe rural ». Elle explique que l’étymologie du mot « ruralité » est conçue par opposition à l’urbanité ou encore en relation avec le monde agricole. Pour illustrer ce concept, elle donne l’exemple de la représentation de la ruralité dans le cinéma.

 

Dans les films, c’est un classique, les gens sont en campagne et là, il y a un élément de la modernité qui est introduit. Souvent, cet élément arrive de la ville, comme si la ruralité existait seulement dans le passé. Dans la littérature et le cinéma, c’est un stéréotype qui est très présent.

 

Karina explique que ces images créent inconsciemment des associations et attribuent par le fait même des caractéristiques rappelant une forme de grossièreté aux gens qui sont issus des espaces ruraux. « Pas toujours, évidemment. Mais cette représentation est un agissant social et elle est beaucoup construite autour de l’agriculture et de la paysannerie. »

Ruralité et agriculture : une association tenace

« Lorsqu’on parle de la ruralité, on associe spontanément cela au monde agricole. Bien sûr, ce n’est pas négatif de l’associer à l’agriculture… mais ce n’est pas que ça! Il y a eu une transformation des espaces ruraux au fil du temps. »

Lorsque je disais aux gens que je m’intéressais aux femmes rurales pour ma thèse au doctorat, systématiquement, en ville, mais aussi ici dans le Bas du fleuve, les gens me répondaient : Ah! Tu t’intéresses aux agricultrices!

Karina met en lumière que, contrairement à cette croyance populaire, les résident·e·s des régions, notamment les femmes, ne sont pas qu’agriculteur·trice·s. Tout ce beau monde-là est aussi entrepreneur·e·s, employé·e·s de la fonction publique ou encore propriétaires de commerces de proximité pour ne nommer que quelques exemples.

 

L’efficacité d’un stéréotype, c’est qu’on ne le relève pas, car il est évident. Il est intégré et intériorisé.

Dominic Faucher

Vivre en autosuffisance : un mode de vie idéalisé

Si plusieurs rêvent de vivre en autosuffisance complète loin du monde organisé, Karina soulève des bémols en rappelant qu’il s’agit d’un mode de vie romancé solidement ancré dans le concept folklorique de la ruralité. Bien qu’elle comprenne pourquoi plusieurs y aspirent, elle se rapporte aux faits : « c’est important de savoir que cet idéal de vie n’a jamais existé. On idéalise beaucoup le mode de vie rural et l’autosuffisance alors que jusqu’à présent, on a généralement besoin d’échanger des denrées qu’on ne peut pas produire contre de la monnaie ». Elle précise que les rares personnes qui vivent en quasi-autosuffisance ne sont pas indépendantes de l’économie de marché, ne serait-ce que parce qu’elles vont vendre des produits qu’elles produisent (par exemple) à des individus qui, eux, s’inscrivent dans l’économie de marché par l’obtention d’un salaire en échange de leur travail.

Dominic Faucher

Prendre conscience de nos préjugés

« Savoir qu’on est porteur·euse de préjugés devrait nous amener l’humilité nécessaire pour avoir une vraie curiosité envers les autres. Il faut le faire partout et pas seulement dans les espaces ruraux. Il s’agit de prendre conscience des catégorisations qui nous préexistent et qui influencent inconsciemment notre manière d’envisager les autres. »

Pour éviter le désenchantement de la ruralité, Karina croit qu’il faut surtout une bonne dose de pragmatisme. Elle suggère de faire preuve d’ouverture, d’aller vers l’autre.

 

De commencer par se parler. Parler à ses voisins. Quand je dis parler, je veux dire, juste jaser, là. Et arrêter de présumer, d’être dans nos propres représentations de ce qu’ils et elles sont.

 

Enfin, le secret pour être un·e « bon·ne rural·e entre guillemets », c’est d’abord et avant tout de s’intéresser à la communauté et de créer un lien social. Et ça, ça commence généralement en posant des questions et en se laissant surprendre.

D’ailleurs, elle suggèrerait la même chose à quelqu’un qui arrive en ville!

Pour en apprendre davantage sur le sujet, écoutez Karina dans l’épisode 04 du balado On le fait!

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